GESTION PARTAGÉE DES RESSOURCES:
UNE EXPÉRIENCE PIONNIÈRE AUTOUR DE L’EAU
40 ANS DE GOUVERNANCE TRANSFRONTALIÈRE DE LA NAPPE
D’EAU SOUTERRAINE DU GENEVOIS (1978-2018)
40 ANS DE GOUVERNANCE TRANSFRONTALIÈRE DE LA NAPPE D’EAU SOUTERRAINE DU GENEVOIS (1978-2018)
Les célébrations du 40ème anniversaire de l’accord du la nappe du Genevois de 1978 entre Genève et des autorités françaises se sont tenues le 29 novembre 2018 à Genève. Un colloque d’une journée a été organisé pour l’occasion par la Commission conjointe de l’exploitation de la Nappe du Genevois en coopération avec le Canton de Genève, les autorités françaises, les Services industriels genevois et le Geneva Water Hub, qui a facilité l’évènement. Le colloque a porté sur quatre thèmes discutés par un large panel d’experts : la gouvernance de la ressource ; les collaborations et enjeux techniques ; les aspects légaux et le droit international ; et la gestion transfrontalière de l’eau. Le colloque a ainsi fourni une opportunité unique d’examiner ces aspects-clé de la gestion de l’aquifère, qui est une ressource importante pour l’approvisionnement en eau du Canton de Genève, et d’écouter des acteurs de premier plan engagés dans la gestion de […]
Lire la suite ; English versionLes célébrations du 40ème anniversaire de l’accord du la nappe du Genevois de 1978 entre Genève et des autorités françaises se sont tenues le 29 novembre 2018 à Genève. Un colloque d’une journée a été organisé pour l’occasion par la Commission conjointe de l’exploitation de la Nappe du Genevois en coopération avec le Canton de Genève, les autorités françaises, les Services industriels genevois et le Geneva Water Hub, qui a facilité l’évènement.
Le colloque a porté sur quatre thèmes discutés par un large panel d’experts : la gouvernance de la ressource ; les collaborations et enjeux techniques ; les aspects légaux et le droit international ; et la gestion transfrontalière de l’eau. Le colloque a ainsi fourni une opportunité unique d’examiner ces aspects-clé de la gestion de l’aquifère, qui est une ressource importante pour l’approvisionnement en eau du Canton de Genève, et d’écouter des acteurs de premier plan engagés dans la gestion de l’aquifère et sur les enjeux plus large de coopération entre les autorités genevoises et françaises. Chaque séquence d’intervention a été suivie par une période de questions et réponses afin de permettre à l’audience d’interagir avec les intervenants.
La réalisation de l’accord portant sur la gestion conjointe de l’aquifère, ainsi que son renouvellement 30 ans plus tard, ont été rendus possibles par un ensemble de circonstances spécifiques réunis à Genève et en France voisine. Le pragmatisme local et une certaine aspiration à trouver une solution adéquate à la problématique majeure de la surexploitation de la nappe ont permis aux partis de trouver une base d’entente et de tracer une approche visionnaire, qui a résisté à l’épreuve du temps. La nature et le dynamisme de cette relation ont aussi assuré la prise en charge par ces acteurs d’un certain nombre de défis d’origine plus récente ayant trait à la qualité des eaux de l’Arve (qui alimente en eau la nappe par des recharges naturelles et artificielles) et de la Nappe du Genevois. Les institutions et les processus mis en en place quatre décennies plus tôt ont ainsi permis d’initier des discussions plus générales à propos des eaux partagées et d’autres domaines allant au-delà du thème de l’eau.
Contenu du colloque
Des hauts représentants des SIG, ainsi que des autorités genevoises et françaises ont officiellement ouvert le colloque. Tous ont mis en exergue les éléments-clé qui ont fait de la gestion conjointe de la nappe un succès lors des 40 années écoulées. Ils ont rendu hommage à l’approche audacieuse et visionnaire adoptée par les autorités locales au moment où le besoin d’une gestion conjointe a été identifié, ainsi qu’à la solidité des processus établis au vu de leur usage dans le cadre des événements récents qui ont affecté la qualité des eaux de l’Arve.
La première partie, dédiée à l’aquifère, a débuté par une présentation générale d’Alice Aureli, cheffe de la section Systèmes d’eaux souterraines et Eau pour les établissements humains à l’UNSECO, qui a insisté sur le besoin de connaissance et de gouvernance des aquifères pour une diplomatie de l’eau effective et pour la sécurité hydrique. Gabriel de los Cobos, chef du secteur du sols et sous-sol à l’Etat de Genève, impliqué dans la gestion de la nappe depuis de nombreuses années, a ensuite présenté les principales caractéristiques de la Nappe du Genevois et a expliqué l’histoire de l’élaboration de l’accord de 1978 en relevant le fait que cette problématique, bien que transfrontalière, a été gérée à un niveau local d’autorités de part et d’autre de la frontière. Bernard Gaud, un ancien Président de Association Régionale de Coopération des collectivités du Genevois et de la Communauté des communes du Genevois, a donné la perspective française du développement de la gestion conjointe de l’aquifère. Enfin, un Co-Président en fonction de la Commission conjointe de la Nappe du Genevois, Jean-Marc Bassaget, a abordé les défis actuels que rencontre l’aquifère. Ceux-ci ont essentiellement trait à la qualité de l’eau, qui constitue une nouvelle problématique à traiter pour l’équipe de gestion, et requièrent la mise en place de processus et mesures adéquates.
Le colloque s’est poursuivi avec une discussion sur la protection qualitative et quantitative de la nappe et du fleuve de l’Arve, qui l’alimente. Jacques Martelain, directeur du Service de géologie, sols et déchets du Canton de Genève, a présenté les outils à disposition pour gérer les aspects quantitatifs et qualitatifs de l’aquifère, qui comprennent la station de réalimentation de la nappe. Gérard Luyet, responsable de l’alimentation en eau potable au SIG, a passé en revue les aspects hydrologiques et les problèmes de pollution liés aux opérations de recharge de l’aquifère. Les impacts sur la ressource de l’industrie du décolletage et ses activités situés dans la partie française du bassin de l’Arve ont été ensuite abordé par l’intervenant Roger Burgniard, représentant du SM3A1, qui a également présenté certains des dispositifs institutionnels en place pour gérer ces défis. Enfin, le problème des micropolluants affectant l’aquifère (ainsi que d’autres ressources hydriques) et les défis pour gérer ceux-ci ont été expliqués par François Pasquini, Directeur du Service SECOE.
La Professeure Laurence Boisson de Chazournes, de la Faculté de droit de l’Université de Genève, a ouvert la session de l’après-midi en abordant dans une perspective large les principaux instruments légaux ayant trait à la gestion transfrontalière des eaux souterraines dans le droit international de l’eau. Elle a aussi rappelé à l’audience l’absence d’instrument de droit international portant sur les ressources d’eau souterraine partagée au moment de la création de l’accord de 1978, relevant par là le caractère pionnier de ce traité. Raya Stephan, une experte juridique membre de l’Association internationale du droit des eaux AIDA, a ensuite centré sa présentation sur les aspects opérationnels de la gestion transfrontalière des ressources d’eaux souterraines partagées et à passer en revue les quelques exemples existants de tels accords à travers le monde. Finalement, Francesca Bernardini, Secrétaire de la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux de 1992, a mis en exergue le rôle de promotion de la Convention dans la coopération autour des aquifères transfrontaliers et a mentionné des exemples d’accords incluant des aspects de gestion d’aquifère. Elle a également fait référence l’indicateur de l’Objectif de Développement Durable n°6.5.2 en lien avec les ressources d’eau souterraine et a relevé le caractère restreint de la coopération signalée à cet égard dans le cadre du suivi de cet objectif.
La dernière session de la journée a porté sur la coopération plus large entre les autorités françaises et genevoises dans le cadre de la gestion transfrontalière de l’eau. Gilles Mulhauser, directeur de l’Office cantonal de l’eau de l’Etat de Genève, et Sébastien Javogues, directeur général adjoint de la Communauté de Communes du Genevois, ont discuté des domaines de coopération sur l’eau plus général entre les localités à Genève et en France. Cette coopération sur l’eau s’étend effectivement à des domaines à des problématiques au-delà de la Nappe du Genevois pour englober les problèmes de quantité et qualité d’eaux de surface et le cycle hydrologique complet à la lumière de l’impact du changement climatique sur les ressources hydriques régionales. Les instruments telles que les « contrats de rivière » ont été présentés. Les autorités régionales ont ainsi un certain nombre de défis à gérer tels que le développement urbain et autres enjeux environnementaux, étant tous relié à travers la problématique de l’eau.
Un panel de discussion réunissant des intervenants des sessions précédentes et des nouveaux experts est venu conclure le colloque. Chacun a partagé ses points de vue, que ce soit sur le besoin d’éducation sur les eaux souterraines, le besoin de gestion entre des intérêts en compétition accrue sur la ressource, et le besoin de fonder une vision globale à même de répondre aux défis actuels et futurs.
Des représentants d’autorités en charge de la gestion de l’eau du Brésil, de la Mauritanie et du Sénégal, engagés sur des questions d’eaux souterraines transfrontalières sont venu enrichir les échanges du panel en offrant des témoignages de leurs expériences en la matière et sur la manière dont l’exemple du Genevois pourrait être un modèle d’intérêt de gouvernance local pour leur contexte, indépendamment de la taille de l’aquifère sur lequel ils travaillent. En ce qui concerne un aquifère transfrontalier tel que celui du Guarani situé en Amérique du Sud, dont les dimensions sont environ 40’000 fois supérieures à celles de la Nappe du Genevois, les problématiques de conflit d’usages se font avant tout ressentir au niveau local et nécessitent alors des arrangements institutionnels flexibles. Au-delà de ses propres frontières, le modèle de gestion transfrontière de la Nappe du Genevois pourrait ainsi contribuer à améliorer la gouvernance de l’eau dans d’autres régions du monde.
Adapté et traduit par le Geneva Water Hub sur la base d’un texte orignal de Mme Zaki Shubber, Lecturer in law and water diplomacy, IHE Delft Institute for Water Education
1 Syndicat Mixte d’Aménagement de l’Arve et de ses Affluents
Summary of the Colloquium on the celebration of 40 years of transboundary governance of the Geneva Aquifer (1978-2018)
The 40th anniversary of the 1978 Geneva Aquifer agreement between Geneva and France was celebrated on 29 November 2018 in Geneva. The one-day seminar was organised by the Joint Management Committee of the Aquifer in cooperation with the Canton of Geneva, French authorities,1 the ‘Services Industriels de Genève’ (SIG) and the Geneva Water Hub, which facilitated the event.
Four themes were discussed by a large number of distinguished speakers: the governance of the resource; the dynamic protection and management of groundwater; legal aspects and international law; and transboundary water management. The seminar provided a unique opportunity to examine these key aspects of the management of the aquifer, which is an important resource for drinking water for the canton of Geneva, and to hear first-hand accounts of those involved in that management and in broader cooperation issues between the Geneva and French authorities. Each session was followed by time for Q&A allowing the audience to interact with the presenters.
Overall, one may say that a particular set of circumstances occurred in Geneva, and neighbouring France, which allowed for the development, and renewal 30 years later, of an agreement around the joint management of the aquifer. Local pragmatism and a drive to find a sound solution to the plummeting levels of recharge of the aquifer allowed the parties to find common ground and a visionary way forward, which has stood the test of time. The ability to share key data and technical information played an important role as well. The extent and nature of this relationship have also empowered both sides to deal with a new, and more recent, set of challenges regarding the quality of the water of the Arve (which provides water for the natural and artificial recharge of the Aquifer) and of the Geneva Aquifer, and the processes and institutions put in place four decades ago have enabled broader discussions around shared waters and around topics beyond water.
Seminar content
Senior representatives from the SIG, and Geneva and French authorities opened the event. All highlighted key elements that have made the joint management a success for the past 40 years and celebrated the courageous and visionary approach taken by local authorities at the time when the need for joint management was identified, as well as the robustness of the processes put in place in light of recent events affecting the water quality of the Aquifer.
The first part, dedicated to the Aquifer, started with a general presentation by Alice Aureli who emphasised the need for knowledge and governance of aquifers for effective water diplomacy and water security. Gabriel de los Cobos, who has been involved in the management of the aquifer for many years, then presented key hydro-geological and practical characteristics of the Geneva Aquifer and explained the history of the development of the 1978 agreement, stressing the fact that the issue, although transboundary, had been dealt with at the local level by the authorities on both sides of the border. Bernard Gaud, a retired former President of the Regional Cooperation Assembly of the French Genevois and of the Genevois Community of Communes, provided the French perspective on the development and joint management of the aquifer. Finally, one of the current co-presidents of the Joint Management Committee, Jean-Marc Bassaget, talked about current challenges the aquifer is facing. These have mainly to do with the quality of its water, which is a new issue for the management team to have to deal with, and the processes and measures put in place were also described.
The seminar then moved on to discuss the qualitative and quantitative protection of the Aquifer and of the Arve, the river from which it recharges. Jacques Martelain, Director of the Service of Geology, Soil and Waste, State of Geneva, described the practical tools used to manage the quantitative and qualitative aspects of the Aquifer, including at the recharge station. Gerard Luyet, Head of drinking water at SIG, described hydrological and pollution aspects of the operational recharge of the aquifer. The impact on the Arve of the turning industry and its activities on the French side of the Arve watershed were discussed by the following speaker, Robert Burgniard, SM3A delegate, who also described some of the institutional tools in place to deal with these challenges. Finally, micro-pollutants affecting the aquifer (and other water resources) and the challenges of treating them were explained by Francois Pasquini, Director of the Water Ecology Service of Geneva.
Professor Laurence Boisson de Chazournes opened the afternoon session with a broad overview of key legal instruments for transboundary groundwater management in international water law. She also reminded the audience that in fact there was no international law regarding shared groundwater in place in 1978 when the agreement was signed and that as such it was ahead of its time. Raya Stephan, a legal specialist member of the International Association for Water Law (AIDA), then focused on the operational aspects of transboundary management of shared groundwater and presented the limited number of examples of existing agreements for the joint management of such resources worldwide. Finally, Francesca Bernardini, Secretary of the 1992 Convention on the Protection and Use of International Watercourses and Transboundary Lakes, highlighted the role of the Convention in the promotion of cooperation around transboundary aquifers and mentioned examples of agreements that included aspects of groundwater management. She also made reference to SDG indicator 6.5.2 in relation to groundwater and noted the limited cooperation reported in that regard.
The final session of the day was about the broader cooperation that has been occurring between local authorities on both sides of the border on issues related to water and beyond. Gilles Mulhauser, Director of the Geneva cantonal office for water (OCEAU), and Sebastien Javogues, Deputy Director of the ‘Communauté de Communes du Genevois’, discussed other areas of cooperation over water between the neighbouring localities in Geneva and in France. Indeed, cooperation regarding water extends to issues beyond the Geneva Aquifer to also include surface water (quantity and quality) and beyond that the entire hydrological cycle, in light of the impact of climate change on regional water resources. Instruments such as the ‘river contracts’ that have been agreed were presented. Regional authorities have a number of challenges to deal such as urban development or other environmental concerns, all of which are connected through water.
A panel discussion, with speakers from earlier sessions and additional panellists, concluded the session. Each shared a few viewpoints, whether the need for education about groundwater, the need to manage increasingly competing interests for water, the need for a global vision to address current and future challenges and so forth.
Representatives of water authorities from Brazil, Mauritania and Senegal involved in transboundary groundwater projects then joined the panel and offered insights from their experience of dealing with transboundary groundwater. Further, they emphasized the manner in which this pioneer experience of local governance may directly serve as a model in their context irrespective of the size of the aquifer they are working on. With regard to a transboundary aquifer such as the Guarani aquifer located in South America, whose dimensions are approximately 40,000 times greater than those of the Geneva Aquifer, the challenges pertaining to conflicts of use are felt first and foremost at the local level and require flexible institutional arrangements. Beyond its own borders, the transboundary management model of the Geneva Aquifer could thus contribute to improving water governance in other regions of the world.
Adapted by the Geneva Water Hub on the basis of original text from Mrs. Zaki Shubber, Lecturer in law and water diplomacy, IHE Delft Institute for Water Education.
1 AnnemasseAgglo; Communaute de Communes du Genevois, Grand Genève – Agglomeration Franco-Valdo-Genevoise